Haut-Karabakh : un peu d’équilibre et beaucoup de droit international surtout pour parvenir à la paix de grâce
ant échec de la communauté internationale et du groupe de Minsk en charge de la résolution du conflit depuis 1992, d’y parvenir. C’est ce miroir qui doit nous être renvoyé à l’heure actuelle, pas celui d’une croisade du bien contre le mal.
Certes, c’est un cessez-le-feu fragile qui a été décrété le 9 octobre dernier sous l’impulsion de Moscou mais qui était un premier pas encourageant vers la paix. Or, dans la nuit même du cessez-le feu, des bombardements arméniens ont fait dix morts et 33 blessés en Azerbaïdjan, dans la deuxième ville du pays à Gandja.
Après ces nouveaux tirs sur la ville, la France « bastion des droits de l’homme » devrait au moins s'émouvoir et condamner cette attaque afin que les coupables soient à l'avenir jugés pour crime de guerre.
Si les équilibres sont fragiles, il faut à tout prix éviter une nouvelle flambée de violence. La rencontre qui avait eu lieu vendredi dans la capitale russe entre le ministre des affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, et ses homologues azéri et arménien, avait apporté un énorme vent d’espoir. Qui d’autre d’ailleurs que Moscou aurait pu l’obtenir en l’état ? Probablement personne, tant les États-Unis semblent totalement en dehors de la chose depuis la reprise des hostilités. Mais le fait que Moscou s’empare du dossier en énerve déjà plus d’un, surtout quand nous ne sommes nous, communauté internationale, parvenu à rien en trente ans. C’est aussi la preuve qu’à l’avenir, face à l’affaissement probable du multilatéralisme qui se poursuivra, les médiateurs régionaux des conflits locaux seront plus indispensables que jamais. Ce sont eux qui œuvreront en sous-main, ne nous voilons pas la face.
Le conflit qui a repris de plus belle au Haut-Karabakh depuis fin septembre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a démontré au combien le Sud Caucase avait toujours été une région stratégique pour les grands empires du continent eurasien. Pour certains analystes, il semble être le dernier parangon de la lutte éclairée de notre socle judéo-chrétiens face à la barbarie de l’Orient musulman qui vient. Après des centaines de morts dans les deux camps, la communauté internationale divisée n’a pourtant eu de cesse d’appeler à un arrêt immédiat des hostilités, à un retour aux négociations mais par-dessus tout à l’application et au respect du droit international, sans pourtant parvenir à rien de concret. Car tout est clair : les bases fondamentales pour le règlement du conflit entre ces deux pays ont déjà été définies depuis 1993 dans plusieurs résolutions des Nations unies, demandant toutes le retrait complet immédiat et sans conditions des troupes arméniennes des territoires occupés du Haut-Karabakh au profit de l’Azerbaïdjan. Un territoire qui n’est reconnu par personne aujourd’hui dans le monde… pas même l’Arménie ! (Lire François Janne d’Othée, “Haut-Karabakh, Le pays qui n’existait pas”, Le Vif l’Express, 14 novembre 2014). Ces résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sont les n° 822 (1993), 853 (1993), 874 (1993) et 884 (1993) et la résolution n° 62/243 (2008) de l’Assemblée générale de l’ONU.
Et c’est en effet la Russie, puissance régionale et coprésidente avec la France et les USA, du groupe de Minsk (Lié à l’OSCE, donc l’Union européenne) depuis 1992, en charge de trouver les conditions de la paix à ce conflit, qui a déjà tiré son épingle du jeu de ce vide de la communauté internationale. Car Moscou n’a rompu avec personne dans ce dossier pour des intérêts stratégiques politiques et économiques, restant proche à la fois d’Erevan et de Bakou. On voit donc bien que ce conflit n’est pas un conflit religieux ou culturel, et qu’il est avant tout politique et doit le rester. Et depuis la France, il n’y a pas à soutenir l’Arménie ou l’Azerbaïdjan sur des fondements spirituels ou civilisationnels ! Or, la région est aussi en crise de par les divisions et les positionnements hasardeux des grandes puissances internationales sur le terrain: c’est bien sur le cas de Paris avec son tropisme pro-arménien qui ne trompe plus personne. C’était donc hélas, pour la France, le meilleur moyen d’être marginalisé dans la résolution de la crise.
Sur le terrain, les choses sont graves. Depuis deux semaines, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, s’est engagé dans ce combat viscéral pour lui, afin de récupérer les terres occupées du Haut-Karabakh par l’Arménie depuis près de trois décennies, car le pays à le droit international pour lui. Faisant le choix du coup de force, face à l’attentisme des Nations unies, Bakou a remis au centre de l’actualité mondiale cette guerre larvée sur 20% de ce qu’il considère comme son territoire. La région est majoritairement peuplée d’Arméniens, depuis la conquête et du territoire et des zones tampons en 1992, et ce après l’expulsion de 800 000 Azéris contre le déplacement de 400 000 Arméniens, au moment des indépendances post-effondrement de l’URSS. A ce jour, la moitié des Arméniens présents ont fui les combats. C’est malheureusement la conséquence de la guerre, même si Bakou a affirmé et réaffirmé que le jour où il récupérerait pleine jouissance du Haut-Karabakh, il n’expulserait pas délibérément les populations arméniennes restantes. Lourd défi certes pour les uns et les autres après des années de guerre, mais l’Azerbaïdjan a rebattu les cartes face à l’inertie de la communauté internationale à faire appliquer le droit international. C’est ce miroir qui doit avant tout nous être renvoyé pour faire avancer le chemin de la paix. Loin de la realpolitik qui guide une partie des relations internationales, l’action politique guidée par des sentiments émotionnels et culturels ne devrait pas avoir d’avenir. Si nous avons passé un demi-siècle à ériger un droit international objectif, c’est avant tout au moins pour le faire respecter. Ce n’est pas pour revenir aux instincts les plus grégaires à la moindre étincelle et soutenir coûte que coûte depuis l’étranger une communauté d’affect qui ne serait que brimée et martyrisée, à savoir l’Arménie. Les choses sont bien plus complexes.